Abbaye Saint-Hilaire
Art campanaire
La fabrication d'une cloche en Occident
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Table des matières - ici -
Préambule
Dans chaque monastère, des cloches rythment la vie de chaque jour afin d'entretenir la conscience du temps - ex.: deux cloches dans le clocher pour sonner prime, tierce, sexte, none et complies, une cloche dédiée à l’horloge, une cloche dédiée au réfectoire, une cloche à proximité du dortoir.
Le père Marin Mersenne (1588†1648), religieux de l'ordre des Minimes, a laissé le premier une méthode sûre pour fondre des cloches; il établit les rapports qui doivent exister entre les diamètres de l'instrument à toutes les hauteurs et les épaisseurs relatives des diverses parties.
L'exceptionnelle cloche de l'église abbatiale de Moissac, dans le département de Tarn-et-Garonne, datait de 1273; le métal était sombre et assez semblable au bronze des statues grecques; le cuivre y entrait certainement pour une forte part. En 1845 cette cloche se fêla, et fut refondue sous une forme différente.
La fabrication des cloches
La matière qui sert à fondre les cloches est un composé de trois quarts de cuivre rosette et d'un quart d'étain fin. On a cru longtemps que l'argent mêlé à cet alliage donnait aux cloches un son plus pur, et la piété des fidèles ajoutait cet appoint à l'alliage dans d'assez fortes proportions... alors que les débris de ces instruments refondus pour d'autres usages, n'en contiennent qu'une très faible partie !...
Certaines informations sont extraites du Traité de l'harmonie universelle (1627) de Marin Mersenne et de la première édition de l'Encyclopédie, ou Dictionnaire Raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers de Diderot et d'Alembert, publié entre 1751 et 1782. Le texte conserve l'ensemble des règles d'orthographe en vigueur à cette époque, et afin d'être facilement identifié, ses caractères sont de couleur brun clair.
Marin Mersenne - Traité de l'harmonie universelle
Marin Mersenne, né à Oizé dans la Sarthe, le 8 septembre 1588, mort à Paris, le 1er septembre 1648, est un religieux français appartenant à l'ordre des Minimes, érudit, mathématicien et philosophe. On lui doit les premières lois de l'acoustique, qui portèrent longtemps son nom; il établit concomitamment avec Galilée la loi de la chute des corps dans le vide.
Un fac-similé de l'exemplaire de 1627 du Traité de l'Harmonie universelle conservé à la Bibliothèque des Arts et Métiers, et annoté par l'auteur, a été édité par le C.N.R.S en 1963 (3 vol. br., 19 x 27 cm en étui).
Proposition IV
Expliquer toutes les parties d'une cloche, et la proportion qu'elles doivent garder entre elles pour faire des tons agréables.
► Planche de croquis - ici -
IL est difficile que la figure représente toutes les proportions d'une cloche, à raison des différentes épaisseurs qu'elle doit avoir en divers endroits, c'est pourquoi j'use de discours pour la faire comprendre. Je dis donc premièrement que les Fondeurs prennent la mesure de toutes les parties de la cloche sur l'épaisseur de son bord, qu'ils font d'autant plus épais à l'endroit où frappe le battant, que la cloche est plus grande: de sorte que leur diapason, ou leur brochette, dont je parle après, n'est autre chose que la connaissance de l'épaisseur des bords.
Or ils donnent quinze bords à la largeur, ou au diamètre de la cloche; par exemple, si le bord est d'un pied, la cloche doit être large de 15 pieds de bord en bord: mais la hauteur de la cloche, qui se prend depuis le bord jusqu’au lieu où elle commence à se voûter, n'a que douze bords. D'où il est aisé de conclure que la largeur de la cloche est sesquiquarte de sa hauteur, ce qui donne la raison de la Tierce majeure.
Mais il faut expliquer ses parties, et leurs noms en les appliquant à cette figure A B G, qui montre la forme ordinaire des cloches de France, afin que les Praticiens les comprennent plus aisément, et qu'ils ne puissent rien désirer dans cette Proposition.
Ils appellent donc A B C l'anse de la cloche, par laquelle on la pend et D B E s'appelle le cerveau.
Quant aux petites ceintures, DE et FG, on les peut nommer cordons, qui ne servent que d'ornement. Les traits ou les courbures EG et DE s'appellent les faussures, I H sont les bords ou les pinces, et K montre le gros du battant que l'on pend à une courroie attachée à une boucle, qui tient au haut de la cloche, et pour ce sujet on met cette boucle vis-à-vis de l'anse en fondant la cloche.
Proposition V
Expliquer la figure extérieure, et l'intérieure d'une cloche, et les proportions de toutes ses parties.
Les Fondeurs se règlent sur l'épaisseur de chaque cloche pour en décrire les traits et la figure; et divisent cette épaisseur en trois parties égales, qu'ils appellent corps; puis ils tirent une ligne droite, laquelle contient la hauteur de la cloche qu'ils veulent faire; ils la divisent en douze parties égales, qui signifient les douze bords, ou épaisseurs de la cloche, car sa hauteur est duodecuple de sa plus grande épaisseur.
Cette ligne, et ses douze parties leur servent de conduite, et de règle pour donner les différentes épaisseurs aux différents endroits de la cloche, car l'endroit qui est vis-à-vis de la sixième partie de ladite ligne n'a qu'un corps, et 1/3, ou 1/4 d'épaisseur; celui qui est vis-à-vis de la troisième partie a deux corps, et le haut de la cloche n'en a qu'un, excepté le cerveau, qui en a un et 1/4.
Or toutes ces épaisseurs se rencontrent par le moyen des lignes que l'on décrit en cette manière. La ligne AB divisée en douze parties, représente la hauteur de la cloche, qui se prend depuis l'extrémité de son bord A jusqu’à B
où elle commence à se courber pour se fermer; mais le premier trait, ou la première partie du cercle qui donne l'épaisseur de la cloche, est une partie de cercle, qu'il faut décrire à l'ouverture du compas de trente parties, dont chacune est égale à la 12e partie de la ligne AB, de sorte qu'il faut trouver le centre du cercle pour décrire BD, et pour avoir la figure qu'a cette partie de la cloche, tant en dedans qu'en dehors.
Ce centre est aisé à trouver en marquant le centre par le moyen de deux petites parties de cercle que l'on décrit à main droite des points D et B comme de deux centres, à l'ouverture du compas de trente parties, mais la page de ce livre n'est pas assez grande pour ces trente parties.
Le second trait, ou la partie du second cercle DE, qui achève la longueur de la cloche, a son centre éloigné de douze parties, c'est-à-dire de la ligne AB, lequel on trouve en ouvrant le compas de la ligne AB, et en transportant l'un de ses pieds sur D, et puis sur E, tandis qu'avec l'autre pied on marque les deux petites parties des cercles qui se croisent, afin de prendre le centre au point de leur intersection, et de décrire la ligne DE pour achever la figure intérieure de la cloche.
Car quant à l'extérieure, elle se forme sur un autre trait, lequel on décrit de l'ouverture de sept parties que l'on donne au compas, que quelques-uns ouvrent de neuf parties.
Mais puis que tous ces traits supposent que l'on a le point D, auquel commence la faussure de la cloche, il faut remarquer qu'on le trouve en tirant une ligne perpendiculaire qui en marque le milieu, encore que l'on puisse la décrire plus bas d'un demi-bord; cette ligne étant décrite, il faut prendre un bord et demi, et l'on aura le point D.
Il est donc évident que l'épaisseur de la cloche s'augmente inégalement depuis D jusqu'à E, et qu'elle ne change point depuis D jusqu'à B.
Quant au cerveau de la cloche, il a sept bords et demi de large, c'est-à-dire que sa largeur est sous-double de la plus grande largeur de la cloche qui se prend de bord en bord. Mais le centre de la ligne circulaire qui donne la forme au cerveau, se trouve à l'ouverture du compas de huit parties, ou de huit bords, en mettant l'un des pieds du compas au point A, que l'on appelle la pince de la cloche, et l'autre au point B.
L'épaisseur de ce cerveau doit être d'un corps, c'est à dire d'un tiers de bord; et est enfermée de la ligne extérieure, et de l'intérieure du cerveau, qui se décrivent en tenant le même pied de compas sur l'intersection des deux cercles précédents, mais il faut diminuer l'ouverture, dont on décrit l'extérieure, d'un tiers de bord pour décrire l'intérieure.
L'onde RL, laquelle est sur le cerveau, est éloignée du point B d'un bord et demi, et a son épaisseur d'un corps, ou environ; or les anses sont sur cette onde.
Quant au bord, ou à la patte de la cloche EGA, il faut prendre son épaisseur au point E, (où finit la première partie de la ligne AB) sur lequel on tire la ligne perpendiculaire EG, égale à EA, de sorte que EG donne la plus grande épaisseur de la cloche (panse), et détermine l'endroit sur lequel le battant doit frapper.
Encyclopédie Diderot et d'Alembert
Avant l'historique que nous avons rendu le plus court qu'il nous a été possible, nous allons passer à des choses plus importantes, auxquelles nous donnerons toute l'étendue qu'elles méritent. C'est la fonte des cloches. Pour qu'une cloche soit sonore, il faut donner à toutes ses parties certaines proportions.
► Planche n° 1 de l'Encyclopédie Diderot et d'Alembert - ici -
Ces parties sont, fig. 1. ci-dessous, le cerveau a N; les anses tiennent au cerveau, qui dans les grandes cloches est renforci d'une épaisseur Q qu'on appelle l'onde: le vase supérieur K N, qui s'unit en K à la partie K 1; on appelle faussure le point K où les portions de courbes N K, K 1, se joignent: la gorge ou fourniture K 1 C; on appelle la partie inférieure 1 C de la fourniture, pince, panse, ou bord: la patte C D 1.
Le bord C 1 qui est le fondement de toute la mesure, se divise en trois parties égales, que l'on appelle corps, & qui servent à donner les différentes proportions selon lesquelles il faut tracer le profil d'une cloche, profil qui doit servir à en former le moule.
Tirez la ligne H D qui représente le diamètre de la cloche; élevez sur le milieu F la perpendiculaire F f; élevez sur le milieu des parties F D, F H, deux autres perpendiculaires G A, E N: G E sera le diamètre du cerveau; c'est-à-dire que le diamètre du cerveau sera la moitié de celui de la cloche, & qu'il aura le diamètre d'une cloche qui sonneroit l'octave de celle dont il est le cerveau.
Divisez la ligne H D diamètre de la cloche en 15 parties égales, & vous aurez C 1 épaisseur du bord; divisez une de ces quinze parties égales en trois autres parties égales, & formez-en une échelle qui contienne quinze bords ou quarante-cinq tiers de bords ou corps: la longueur de cette échelle sera égale au diamètre de la cloche.
Prenez sur l'échelle avec le compas douze bords; portez une des pointes de votre compas en D; décrivez de cette ouverture un arc qui coupe la ligne E e au point N; tirez la ligne D N; divisez cette ligne en douze parties égales, ou bords 1, 2, 3, 4, 5, &c.
Elevez au point 1 la perpendiculaire C 1; faites C 1 égale à 1, 0, & vous aurez l'épaisseur C 1 du bord de la cloche que vous voulez fondre, égale à la quinzième partie du diamètre, & telle qu'on a trouvé par l'expérience qu'elle devoit être dans une cloche sonore; tirez la ligne C D qui achèvera de terminer la patte C D 1; élevez au point 6 sur le milieu de la ligne D N, la perpendiculaire 6 K; prenez sur l'échelle un bord & demi; portez-le de 6 en K sur la ligne 6 K, & vous aurez le point K.
Il s'agit maintenant de tracer les arcs qui finiront le profil de la cloche: il faut prendre différents centres. Ouvrez votre compas de trente bords, ou du double du diamètre de la cloche; portez une des pointes en N, & décrivez un arc de cercle; portez la même pointe en K, & de la même ouverture décrivez un autre arc de cercle qui coupe le premier; le point d'intersection de ces deux arcs sera le centre de l'arc N K.
De ce centre & du rayon 30 bords, décrivez l'arc N K; prenez sur la perpendiculaire 6 K la partie K B égale à un corps, & du même centre & d'un rayon 30 bords plus un corps, décrivez un arc A B parallèle au premier N K.
Pour tracer l'arc B C, ouvrez votre compas de douze bords, cherchez un centre, & de ce centre & de l'ouverture douze bords, décrivez l'arc B C, comme vous avez décrit l'arc N K ou A B.
Il y a plusieurs manières de tracer l'arc K p: il y en a qui le décrivent d'un centre distant de neuf bords des points p & K; d'autres, d'un centre seulement éloigné de sept bords des mêmes points: c'est la méthode que nous suivrons.
Mais il faut auparavant trouver le point p, quand on veut donner à la cloche l'arrondissement p 1; ce que quelques fondeurs négligent: ceux-ci font le centre distant de sept ou de neuf bords des points K, 1; la cloche en devient plus légère en cet endroit: mais la bonne méthode, surtout pour les grandes cloches, c'est de leur pratiquer un arrondissement p 1.
Pour former l'arrondissement p 1, il faut tracer du point C, comme centre, & du rayon C 1, l'arc 1 p n, & élever sur le milieu de la portion 1, 2 de la ligne D N, la perpendiculaire p m ; cette perpendiculaire coupera l'arc 1 p n au point m, où doit se terminer l'arrondissement 1 p.
Le point p étant trouvé, des points k & p, & d'une ouverture de compas de sept bords, cherchez un centre, & décrivez l'arc K p; cet arc étant décrit le profil ou l'échantillon de la cloche sera fini.
Au reste cette description n'est pas si rigoureuse qu'on ne puisse y apporter quelques changements. Il y a des fondeurs qui placent les faussures K un tiers de bord plus bas que le milieu de la ligne D N; d'autres font la patte C 1 D plus aiguë par en bas; au lieu de tirer la perpendiculaire 1 C à la ligne D N par le point 1, ils tirent cette perpendiculaire par un sixième de bord plus haut, ne lui accordant toutefois que la même longueur d'un bord; d'où il arrive que la ligne 1 D est plus longue que le bord C 1: il y en a qui arrondissent les angles A, N, que forment les côtés intérieurs & extérieurs de la cloche avec ceux du cerveau.
Il s'agit maintenant de tracer le cerveau N a: pour cet effet, prenez avec le compas huit bords; des pointes N & D, comme centres, décrivez des arcs qui s'entrecoupent au point 8; du point d'intersection 8, & du rayon huit bords, décrivez l'arc N b; ce sera la courbe extérieure du cerveau: du même point 8 comme centre, & du même intervalle huit bords moins un tiers de bord, décrivez l'arc A e; A e sera la courbe intérieure du cerveau, qui aura un corps d'épaisseur.
Le point 8 ne se trouvant point dans l'axe de la cloche, on peut, si l'on veut, des points D & H du diamètre, & d'une ouverture de compas huit bords, tracer deux arcs qui se couperont au point M, qu'on prendra pour centre des courbes du cerveau.
Quant à l'épaisseur Q, ou l'onde dont on le fortifie, on lui donnera un corps d'épaisseur ou environ; cette fourniture de métal consolidera les anses R qui lui sont adhérentes. On donnera aux anses à-peu-près un sixième du diamètre de la cloche.
Il résulte de cette construction que le diamètre du cerveau n'étant que la moitié de celui de la cloche, sonnera l'octave au-dessus de celle des bords ou extrémités. Le son d'une cloche n'est pas un son simple, c'est un composé des différents tons rendus par les différentes parties de la cloche, entre lesquels les fondamentaux doivent absorber les harmoniques, comme il arrive dans l'orgue; lorsqu'on touche à la fois l'accord parfait ut, mi, sol, on fait résonner ut, mi, sol, mi, sol , si, sol, si, re, cependant on n'entend que ut, mi, sol.
Le rapport de la hauteur de la cloche à son diamètre est comme 12 à 15, ou dans le rapport d'un son fondamental à sa tierce majeure; d'où l'on conclut que le son de la cloche est composé principalement du son de ses extrémités ou bords, comme fondamental, du son du cerveau qui est à son octave, & de celui de la hauteur qui est à la tierce du fondamental.
Mais il est évident que ces dimensions ne sont pas les seules qui donnent des tons plus ou moins graves: il n'y a sur toute la cloche aucune circonférence qui ne doive produire un son relatif à son diamètre & à sa distance du sommet de la cloche. Si à mesure que l'on remplit d'eau un verre, on le frappe, il rend successivement des sons différents.
Il y auroit donc un beau problème à proposer aux Géomètres; ce seroit de déterminer quelle figure il faut donner à une cloche, quel est l'accord qui absorberoit le plus parfaitement tous les sons particuliers du corps de la cloche, & quelle figure il faudroit donner à la cloche pour que cet effet fût produit le plus parfaitement qui seroit possible.
Quand la solution de ce problème se trouveroit un peu écartée de son résultat dans la pratique, elle n'en seroit pas moins utile. On prétend déterminer le son d'une cloche par sa forme & par son poids; mais cela est sujet à erreur: il faudroit faire entrer en calcul l'élasticité & la cohésion des parties de la manière dont on les fond, deux éléments sur lesquels on ne peut guère que former des conjectures vagues.
Ce que l'on peut avancer, c'est que les sons des deux cloches de même matière & de figures semblables, seront entr'eux réciproquement comme des racines cubiques de leurs poids; c'est-à-dire que si l'une pèse huit fois moins que l'autre, elle formera dans le même temps un nombre double de vibrations; un nombre triple, si elle pèse 27 fois moins, & ainsi de suite: car en leur appliquant la formule des cordes, & faisant dans cette formule le poids tendant G, comme P/L; la formule:
se réduira à 1 /L mais lorsque des corps homogènes sont des figures semblables, leurs poids sont entr'eux comme les cubes de leurs dimensions homologues; ou leurs dimensions homologues, comme les racines cubiques des poids; or les nombres des vibrations produites dans un temps donné étant comme 1/ L, elles seront donc aussi comme:
Le P. Mersenne a démontré que la pratique des Fondeurs étoit fautive à cet égard, & qu'ils ne pouvoient guère espérer, même en supposant l'homogénéité de matière & la similitude de figure, le rapport qu'ils prétendoient établir entre les sons de deux cloches, parce qu'ils n'observoient pas dans la division de leur brochette ou règle, les rapports harmoniques connus entre les tons de l'octave.
On pourroit toutefois aisément construire une table à trois colonnes, dont l'une contiendroit les intervalles de l'octave, l'autre les diamètres des cloches, & la troisième les touches du clavecin ou du prestant de l'orgue, comprises depuis la clé de c-sol-ut qui est le ton des musiciens, jusqu'à l'octave au-dessus, avec lesquelles ces cloches semblables seroient à l'unisson; il ne s'agiroit que de trouver actuellement quelque cloche fondue qui rendît le son d'un tuyau d'orgue connu, dont on sût le poids, & dont la figure fût bien exactement donnée.
Le problème ne seroit pas bien difficile à résoudre: on diroit une cloche pesant tant, & de telle figure, donne tel son; de combien faut-il diminuer ou augmenter son poids, pour avoir une cloche semblable qui rende ou la seconde, ou la tierce majeure ou mineure, ou la quarte au-dessus ou au-dessous, &c?
Lorsque la table seroit formée pour un octave, elle le seroit pour toutes les autres, tant en-dessus qu'en-dessous; il ne s'agiroit que de doubler ou que de diminuer de moitié les diamètres, & conserver toujours les similitudes de figures. Ainsi pour trouver le diamètre d'une cloche qui sonneroit l'octave au-dessus de l'octave de la table, on doubleroit le diamètre de la cloche de la table répondante au sol, & l'on auroit le diamètre de celle qui sonneroit l'octave au-dessous de ce sol, ou de la clé de g-ré-sol du clavecin, ou l'unisson du sol de quatre piés de l'orgue: si on doubloit encore ce diamètre, on auroit le sol de huit piés: si on doubloit pour la troisième fois ce diamètre, on auroit l'unisson du seize piés ou du ravalement, octuple de celui de la table, ou le son de la plus grosse cloche de Notre-Dame de Paris pris de bord en bord.
En octuplant pareillement le diamètre du la des tailles contenu dans la table, on auroit le diamètre de la seconde cloche de Notre-Dame, ou de la première de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, qui sonne le la du ravalement.
On pourroit prendre celle de ces cloches qu'on voudroit pour fondement de la table, il ne s'agiroit que d'en bien connoître toutes les dimensions & le poids. Pour prendre le diamètre d'une cloche, les Fondeurs ont un compas; c'est une règle de bois divisée en piés & pouces, & terminée par un talon ou crochet que l'on applique à un des bords: il est inutile de s'entendre sur l'usage de cette règle; il est évident que l'intervalle compris entre le crochet & le point de la règle où correspond l'autre bord de la cloche, en est le plus grand diamètre.
Le moule d'une cloche est fait en terre spéciale, très minutieusement préparée. En 1978, le personnel de la fonderie Cornille-Havard située à Villedieu-les-Poêles (50800), utilisait encore un mélange d'argile, de bourre de veau et de crottin de cheval malaxé dans une fosse et tourné au gabarit rotatif. Le moule d'une cloche se compose de trois parties: le noyau, la fausse cloche et la chape.
1re étape : la fabrication du noyau
► Planche n° 2 de l'Encyclopédie Diderot et d'Alembert - ici -
Pour former le moule, il faut d'abord construire le compas qu'on voit fig. 3. Planche II de Fonte des cloches.
C'est un arbre de fer G F, dont le pivot tourne sur la crapaudine E fixée sur un piquet de fer scellé fermement au milieu de la fosse P Q R S, creusée devant le fourneau T: cette fosse doit avoir un pié ou environ plus de profondeur que la cloche n'a de hauteur au-dessous de l'âtre du fourneau, d'où le métal doit y descendre facilement.
À une hauteur convenable de l'axe F G, on place deux bras de fer L M, assemblés à l'axe du compas: ces bras sont refendus, & peuvent recevoir la planche l m d qui fait la fonction de seconde branche.
Il faut avoir tracé sur cette planche les trois lignes A B C D, N K i D, o o o d, & la ligne D d: la première est la courbe de l'intérieure de la cloche; la seconde est la courbe de l'extérieure de la cloche ou du model; & la troisième est la courbe de la chape.
Il faudra que ces lignes tracées sur la planche fassent avec l'axe F G du compas les mêmes angles que les mêmes lignes font avec l'axe F f, (cf. Diderot et d'Alembert - fig. 1 de la Planche n° 2).
On bâtit ensuite un massif de briques D H qui soit parfaitement rond, & dont le plan soit bien perpendiculaire à l'axe du compas, ou bien horizontal; ce massif s'appelle la meule: les briques de la meule sont mises en liaison les unes avec les autres, en sorte que les briques de la seconde assise couvrent les joints des briques de la première assise, & ainsi de suite. Il faut laisser une ligne ou environ de distance entre le plan supérieur de ce massif, & la ligne D d du compas.
Cela fait, on pose une assise de briques dont on rompt les angles; on joint ces briques avec du mortier de terre; elles sont disposées de manière qu'il s'en manque une ligne & demie qu'elles ne touchent à la planche; ce dont on s'assure en la faisant tourner à chaque brique que l'on pose.
On pose des assises de briques ainsi les unes sur les autres jusqu'à ce que cette maçonnerie soit élevée à la hauteur du piquet: alors on scelle les bras de ce piquet, s'il en a, dans le corps même du noyau, & on continue d'élever la même maçonnerie jusqu'au cerveau A de la courbe.
On couvre alors toute cette maçonnerie creuse avec un ciment composé de terre & de fiente de cheval; on égalise bien partout cet enduit par le moyen de la planche qui est taillée en biseau; ce biseau emporte tout l'excédent du ciment, & donne au noyau la forme convenable.
Lorsque le noyau est dans cet état, on le fait recuire en l'emplissant de charbons à demi allumés; & pour que la chaleur se porte vers les parois du moule, & en fasse sortir toute l'humidité, on couvre le dessus avec un carreau de terre cuite. Quand le noyau est sec, on lui applique une seconde couche de ciment qu'on unit bien partout avec la planche; cette seconde couche appliquée, on fait sécher une seconde fois: on recommence & l'application des couches de ciment, & la dessiccation, jusqu'à ce que le noyau soit parfaitement achevé: on le finit par une couche de cendres bien tamisées, que l'on étend convenablement partout à l'aide de la planche.
Après ces premières opérations on démonte la planche du compas; on l'échancre en l'ébiselant jusqu'à la courbe N K 1 D qui doit servir à former le model.
Le model est composé d'un mélange de terre & de bourre dont on forme plusieurs pièces ou gâteaux; on les applique sur le noyau; elles s'unissent ensemble: on termine le model par plusieurs couches du même ciment, mais délayé; chaque couche s'égalise par le compas, & se sèche avant que d'en appliquer un autre; la dernière est un enduit de suif & de cire fondu, qu'on dispose avec le compas sur toute la surface du model; c'est là-dessus qu'on place les armoiries & les lettres, & qu'on trace les cordons.
Le noyau, c'est donc la partie du moule qui représente l'intérieur de la cloche. En d'autres termes, après la coulée, le noyau remplira exactement l'intérieur de la cloche. Il est construit en briques habilement disposées, cerclées avec du fil de fer et recouvertes d'argile.
Ouvrier tournant le noyau à l'aide du gabarit rotatif.
2e étape : la fabrication de la fausse cloche
La fausse cloche est la partie façonnée en terre par-dessus le noyau, qui représente la cloche en elle-même, et dont elle tient provisoirement la place. Elle a donc les mêmes dimensions, les mêmes épaisseurs que la future cloche.
C'est sur la fausse cloche que l'on place l'ornementation et les inscriptions. Ces empreintes en relief sont exécutées à la cire.
Les cordons se forment par des entailles pratiquées au compas; & les lettres & armoiries s'exécutent avec un pinceau que l'on trempe dans de la cire fondue, qu'on applique sur le corps du model, & qui les y forme; on les répare ensuite avec des ébauchoirs: c'est l'ouvrage d'un sculpteur.
3e étape : la fabrication de la chape
Il s'agit maintenant d'exécuter la chape ou le surtout: on sépare encore la planche du compas; on l'échancre en l'ébiselant jusqu'à la ligne o o o d parallèle à la face extérieure de la cloche, & qui en est distante de deux ou trois pouces, plus ou moins, selon que l'on veut d'épaisseur à la chape: la première couche de la chape est composée de terre bien tamisée, que l'on délaye avec de la bourre très fine; on applique cet enduit sur tout le modeèle avec un pinceau, en sorte qu'il en soit tout couvert; on laisse sécher cette couche d'elle-même, ou sans feu: on en applique une seconde, une troisième, jusqu'à ce que l'épaisseur de toutes ces couches ait acquis deux lignes d'épaisseur; alors on applique un ciment plus grossier, & qu'on laisse pareillement sécher sans feu: on rallume ensuite sans feu dans le moule, qu'on augmente petit à petit jusqu'à ce qu'il soit assez ardent pour fondre les cires, qui s'écoulent par des égouts pratiqués au bas de la chape, & qu'on rebouche ensuite avec la terre.
Après que le feu qui est dans le noyau est éteint, on remet le compas en place, & on achève de donner à la chape l'épaisseur qu'elle doit avoir. Dans les grandes cloches la chape est sertie par des anneaux de fer plat qui l'affermissent: ces bandes ont quelques crochets ou anneaux qui donnent prise pour enlever la chape lorsqu'on en veut retirer le model, qui occupe la place du métal dont la cloche doit être formée. La chape ainsi achevée, on démonte le compas, qui n'est plus d'aucun usage.
La chape ou chemise est donc la partie supérieure du moule, celle qui va recouvrir la fausse cloche. Également en terre, elle est formée de couches successives. Les premières couches sont obtenues au moyen d'une terre très fine à l'état liquide, que l'on nomme "potée". Ensuite, on continuera la fabrication de la chape avec de la terre glaise, plus épaisse, mélangée de chanvre, qui assurera une plus grande consistance et une plus grande solidité.
Tout comme lors des deux précédentes étapes, les couches successives sont "troussées" ou affinées à l'aide du gabarit en bois appelé profil de cloche qui est fixé à une tige de fer servant d'axe (cf. croquis).
Afin d'éviter que ces trois moules ainsi superposés ne se soudent, on enduit chacun d'eux de graisse animale et de suie de cheminée.
On procède alors à la cuisson du moule, opération qui fera fondre la cire dont les empreintes resteront en creux dans la chape.
4e étape : le démoulage
Pour retirer le model de la cloche qui occupe l'espace entre le noyau & la chape, on soulève celle-ci à force de bras, ou par le moyen d'un treuil placé au-dessus de la fosse dans la charpente de l'atelier; on ôte le model, on remet la charpente après l'avoir enfumée avec de la paille qu'on brûle dessous; on ne la change point de place en la remettant; on obvie à cet inconvénient par des repaires. Sur la chape de la cloche, on place celle des anses qu'on a repairée pareillement; on lutte bien & ces deux chapes ensemble, & la chape de la cloche avec la meule qui soutient tout le moule qui est alors entièrement fini.
Il ne reste plus qu'à recuire le ciment qui a servi à joindre ses pièces: pour cet effet, on le couvre peu à peu de charbons allumés; on pousse le feu par degrés: par ce moyen on évite des gerçures, qu'un feu trop grand & trop vif ne manqueroit pas d'occasionner.
La fausse cloche remplace provisoirement la future cloche de bronze; elle n'est utile que pour la fabrication de la chape. Le moment est donc venu de l'enlever; à l'aide d'un palan on soulève la chape et l'on brise la fausse cloche. La chape est alors replacée sur le noyau. Entre ces deux parties du moule et grâce à une portée minutieusement établie, il reste un vide créé par la disparition de la fausse cloche. C'est ce vide que viendra occuper le métal en fusion, lors de la coulée.
On remplit ensuite la fosse de terre, qu'on corroie fortement autour du moule, qui est alors tout disposé à recevoir le métal fondu dans le fourneau.
Une fois finalisés, les moules des futures cloches sont alors transportés dans la fosse de coulage:
Fonderie Paccard - la fosse dans les années 50.
Fonderie Paccard - la fosse en 2009.
5e étape : application du moule sur la chape
Il faut maintenant former le cerveau qui est resté ouvert au haut du noyau du model & de la chape: pour cet effet, on commence par terminer le noyau avec les mêmes matières dont il a été construit, qu'on dispose selon la forme convenable au cerveau, par le moyen d'une cerce profilée sur la courbe A e A intérieure du cerveau; on place en même temps l'S ou anse de fer qui doit porter le battant; on l'enterre dans la maçonnerie du cerveau, de manière que la partie inférieure passe au-dedans de la cloche, & que la partie supérieure soit prise dans la fonte par le métal qui formera le pont.
On forme ensuite avec de la cire & par le moyen d'une cerce ou d'un compas fait exprès, dont le pivot s'appuie sur le centre du noyau où l'on a scellé une petite crapaudine de fer, qu'on ôtera dans la suite avec le compas, dont la planche est profilée selon b Q N; on forme en cire le cerveau & l'onde qui le renforcit.
On modèle en cire les anses au nombre de six, placées comme on les voit fig. 4. a a, sont les deux anses latérales; b b, les deux anses antérieures & postérieures; c, le pont ou le pilier placé au centre du cerveau, sur lequel se réunissent toutes les anses.
On voit fig. 5. les anses en perspective.
Après avoir modelé & terminé en cire toutes ces pièces, on les couvre avec le pinceau des mêmes couches de ciment qui ont servi à couvrir la chape, observant que cette chape particulière des anses ne soit point adhérente à celle de la cloche. Lorsqu'elle est finie, on l'enlève pour la faire recuire & en retirer la cire, qui en fondant laisse un vide que le métal doit remplir, pour former le cerveau & les anses de la cloche.
On a eu soin de ménager à la partie supérieure de la chape des anses & du pont plusieurs trous, entre lesquels il y en a un au-dessus du pont, & qui sert de jet pour le métal; d'autres qui répondent aux anses & qui servent d'évent à l'air qui est contenu dans l'espace laissé vide par les cires, & que le métal fondu fait sortir en prenant leurs places.
Le moule de la couronne est appliqué sur la chape à laquelle il est solidement fixé. Le moule complet est enterré dans la fosse de coulée (cette méthode tend à disparaître compte tenu de son coût) et endigué.
6e étape : la coulée
Le fourneau T pour les cloches, est le même que celui de la fonderie des statues équestres & des canons. Voyez-en la description à l'article BRONZE. Il n'y a de différence que dans la solidité qu'on donne beaucoup plus grande au fourneau des statues équestres. Au lieu d'être de brique, il est seulement de terre corroyée.
► Planche n° 4 de l'Encyclopédie Diderot et d'Alembert - ici -
Quant à la composition métallique, la plus parfaite est de trois parties de cuivre rouge, & d'une partie d'étain fin. On ne met l'étain que quand le cuivre est en fusion, & qu'après avoir été épuré de ses crasses, peu de temps avant que de couler le métal dans le moule.
► Planche n° 6 de l'Encyclopédie Diderot et d'Alembert - ici -
Le métal est conduit par un canal de terre recuite dans le godet placé au-dessus du moule, d'où il se répand dans tout le vide qu'occupoit le model, dont il prend exactement la forme. On le laisse refroidir; quand il est à-peu-près froid, on déterre le moule, on brise la chape, & la cloche paroît à découvert; on l'enlève de la fosse par le moyen du treuil; qui a servi auparavant à enlever la chape; on la nettoie en-dedans & en-dehors; on la bénit; on y attache le battant, & on la suspend au mouton qui lui est destiné.
La quantité de métal que l'on met au fourneau se règle sur la grosseur de la cloche à fondre, mais il en faut avoir plus que moins, pour prévenir les pertes accidentelles qui ont quelquefois fait manquer des fontes considérables. On ne risque rien d'en fondre un dixième de plus que le poids qu'on se propose de donner à la cloche.
La proportion de trois parties de cuivre sur une d'étain, n'est pas si bien démontrée la meilleure qu'on ne puisse s'en écarter. Il faut proportionnellement plus de cuivre dans les grosses cloches que dans les petites. C'est encore un problème à résoudre, que le rapport qu'on doit instituer entre les matières du mélange selon la grosseur & la grandeur des cloches, pour qu'elles rendent le plus de son qu'il est possible; mais ce problème tenant à la nature des matières, il n'y a pas d'apparence qu'on en trouve la solution par une autre voie que l'expérience: les connaissances de la Chimie, de la Musique, & de la Géométrie, ne peuvent équivaloir ici au tâtonnement.
Quand, la nuit venue, les Annéciens aperçoivent dans la direction Nord une lueur qui troue l'obscurité (la flamme dépasse parfois de plusieurs mètres le sommet de la cheminée, jetant des milliers d'étincelles), c'est pour eux le signal que le lendemain matin une coulée de cloches aura lieu. Il n'en est guère d'entre eux qui ne soient venus, au moins une fois, assister à cette opération.
Lorsque le métal atteint sa température de fusion, soit environ 1 200°C, il est alors brassé et ce afin de dégazéifier l'alliage composé invariablement de 78 % de cuivre rouge et de 22 % d'étain pur. On peut désormais procéder à l'ouverture de l'opercule du four, et laisser échapper le métal en fusion.
Le bronze en fusion est dirigé de la cuve du fourneau vers l’orifice du moule à travers un canal de pierre. Après plusieurs jours de refroidissement, le tout est déterré. La chape et le noyau sont détruits. La cloche brute est née.
► Bellfounding John Taylor & Co. - ici -
Une coulée de cloches! Spectacle émotionnant et qu'on n'oublie pas! Minute vraiment grandiose et presque tragique, quand sur l'ordre du fondeur les ouvriers donnent libre cours au métal en fusion, qui sort en bouillonnant, coule en ruisseaux de feu In rivulos ignitos dit justement le rituel, et se précipite avec des sifflements dans les moules qu'il remplit.
► Voir une coulée sur le site de l'entreprise PACCARD - ici -
Les gaz produits par la combustion s'échappent par des ouvertures ou "évents" pratiqués à cet effet; de grandes flammes en jaillissent qui éclairent de leur coloration verdâtre les hommes - hommes ou démons, car c'est une vision d'enfer - qui au milieu de tout ce feu, de toute cette fumée, dans cette odeur de terre calcinée qui vous saisit et vous prend à la gorge, s'agitent et s'empressent chacun à son poste, pour endiguer et régulariser ce flot.
Tout cela est rapide presque comme un éclair. En quelques minutes tout est terminé. Mais c'est assez, car l'air est surchauffé, l'atmosphère est devenue irrespirable. On s'empresse d'aérer, cependant que le prêtre, qui a déjà béni le métal avant sa sortie du four, rend à Dieu, parmi le silence de tous les assistants, de justes actions de grâce.
7e étape : les finitions
Ce travail qui consiste à leur donner leur brillant se fait par un frottage énergique à la main avec de la filasse et du sable de rivière. On procédera de la même manière pour l'ébarbage des lettres, des filets et des médaillons.
8e étape : le battant
Une question que la Géométrie éclairée par les principes de la Musique, résoudroit peut-être plus facilement, c'est celle qu'on doit naturellement faire sur le rapport que doit avoir le battant avec la cloche. La règle des Fondeurs est ici purement expérimentale; leur pratique est de donner un battant plus léger aux grosses cloches, proportion gardée, qu'aux petites: exemple, le battant d'une cloche de 500 livres, est environ 25 livres; & celui d'une cloche de 1000 livres, est un peu moins de 50 livres.
Le battant est une masse A O, terminée à sa partie supérieure par un anneau A, dans lequel est l'anneau dormant de la cloche, où passe un fort brayer de cuir de cheval, arrêté par une forte boucle, de manière que le brayer laisse au battant la liberté d'osciller; la partie B va frapper sur la pince C de la cloche; la partie o ne sert qu'à éloigner le centre de gravité du battant du sommet A, qu'on fait plus menue par cette raison. On l'approche le plus qu'on peut du centre de la poire B; l'arc que décrit le centre de gravité, doit passer par les pinces de la cloche, pour la frapper avec le plus d'avantage qu'il est possible.
Le battant est en fer. La cloche formant avec le battant un système pendulaire, il faut que ses proportions et ses rapports de poids soient équilibrés pour permettre au battant une frappe régulière. Cette frappe doit aussi être puissante pour permettre au volume sonore de la cloche d’atteindre sa plénitude.
Un phénomène idéal se produisant lorsque le battant suit la cloche jusqu’au point de retour, la frappe à ce moment précis et s’en éloigne instantanément. Pour atteindre à cet équilibre parfait du battant, la suspension est dotée d’un système de régulation ajustable dans tous les sens et garantissant un centrage optimal du battant.
9e étape : l'harmonisation du timbre
Le registre de la cloche dépend de l’épaisseur de la paroi qui a aussi une incidence déterminante sur l’intensité sonore et le timbre. Les registres de la sonnerie sont choisis de concert avec le client, en tenant compte aussi des caractéristiques du bâtiment et du volume du clocher.
Si la nouvelle cloche vient compléter des cloches préexistantes, il faut pour l'harmoniser, la façonner en enlevant une partie du métal de façon très précise.
Chez Rüetschi à Aarau (Suisse), la cloche finie est présentée au client et à un expert en cloches neutre. À cette occasion, on contrôle sur le beffroi d’essai de la fonderie les registres demandés ainsi que l’épanouissement sonore et l’effet global de la sonnerie.
10e étape : le mouton
Le mouton auquel on suspend la cloche, est une forte pièce de bois E D C C D E, fig. 6, dont la dimension D D est égale à l'amplitude de la cloche, & la hauteur B C égale au tiers de cette amplitude: cette pièce est allégie aux extrémités par les courbes C D; les parties E, E, sont de forts tourillons de bois garnis d'une frette de fer; l'épaisseur du mouton est d'environ les deux tiers de la couronne: on le creuse au milieu de sa partie inférieure en 0 5 6 5 0, selon la courbe des anses & du pont; les anses & le pont doivent être reçûs exactement dans cette entaille.
Les extrémités A, A du mouton sont deux tourillons de fer, proportionnés au poids de la cloche; ces tourillons sont le prolongement d'une masse de fer A B, encastrée dans une gravure pratiquée à la partie inférieure du mouton, & embrassée par la frette qui entoure le tourillon E, fig. 6.
► Planche n° 6 de l'Encyclopédie Diderot et d'Alembert - ici -
La queue B est retenue dans la gravure par une barre de fer 1 qui passe en-travers sous le mouton, & est suspendue par la bride 1, 2, & son opposée à la partie postérieure qui lui est semblable; ces deux brides ou anneaux de figure parallélogrammatique, prennent en-dessous la barre de fer 1, terminée à ses deux bouts par des crochets qui ne permettent pas aux brides de s'échapper; les brides sont retenues en-dessus par une autre barre de fer ou de bois, qui a aussi ses crochets. On les tend par le moyen de plusieurs coins de fer plat, qu'on chasse à coups de masse entre la pièce de bois ou la barre de fer, sur laquelle les brides portent par en-haut.
11e étape : la pose
Lorsque le mouton est placé dans le beffroi de la tour ou du clocher pour lequel la cloche est faite, & posé par ses tourillons sur les cuvettes de cuivre qui doivent le soutenir, on y monte la cloche par le moyen des machines ordinaires, le treuil horizontal, les poulies, les moufles.
On présente les anses dans l'entaille 0 5 6 5 0, on passe un fort boulon de fer par le trou du pont appelé l’œil, & par les trous correspondants du mouton; alors la cloche se trouve comme suspendue: on lui laisse prendre son à-plomb; mais comme ce boulon ne suffiroit pas pour la soutenir long-tems, on passe sous les anses latérales une barre de fer C, que l'on retient, à la partie antérieure & postérieure, par les brides C 4, qui passent par en-haut sur une pièce de bois ou de fer, 4; on serre ces brides avec des coins de fer; on en fait autant aux anses antérieures & postérieures, avec des brides mouflées, X 6.
► Planche n° 6 de l'Encyclopédie Diderot et d'Alembert - ici -
Les brides mouflées sont celles dont les extrémités inférieures sont terminées par des yeux, dans lesquels passe un boulon qui embrasse l'anse; elles sont du reste arrêtées par en-haut comme les autres brides.
Cela fait, on place une barre de fer a a, sous les anses antérieures, & une autre semblable sous les anses postérieures: ces barres sont terminées par des crochets qui retiennent les brides simples a 3, a 3, & leurs opposées postérieures semblables; elles sont arrêtées deux à deux, l'antérieure & la postérieure, sur des pièces de bois 3, 3, sur lesquelles sont couchées des barres de fer terminées par des crochets qui sont tournés verticalement, & qui empêchent ces brides de s'échapper; elles sont aussi serrées comme toutes les autres par des coins de fer.
Les barres de fer a, a, sont sous les barres C C qui passent sous les anses latérales, & qui sont arrêtées par huit brides a 3, a 3, C 4, C 4, & leurs opposées à la partie postérieure du mouton.
Lorsque la cloche est ainsi fixée dans le mouton, & le mouton dans le beffroi, on arme la cloche de son battant, comme nous avons dit plus haut, & on adapte au mouton des leviers ou simples, ou doubles, ou quadruples, tels que ceux des grosses cloches de Notre-Dame de Paris: ces leviers sont de longues pièces de bois fixées en Y, Y, fig. 6:
au-dessous du mouton, où elles sont fortement assujetties par les étriers doubles Y R D: elles ont depuis le mouton jusqu'à leurs extrémités a, figure 7. où pend la corde a b à-peu-près de longueur, le diamètre de la cloche; pour leur donner de la fermeté, on les bride par des liens de fer a A, fixés d'un bout à leurs extrémités, & de l'autre au haut du mouton; & pour conserver leur parallélisme, on joint celles d'un côté du mouton à celles de l'autre, par des traverses & des croix de S. André; comme on voit fig. 8. où l'on a représenté le plan du beffroi, des cloches, & des leviers.
Il y a pour les petites cloches une autre sorte de levier, qu'on voit figure 9:
Il est composé de trois pièces, dont deux A E, B C, sont droites; & la troisième est un quart de cercle centré du tourillon, & fait en gouttière sur sa partie convexe; la corde est reçûe dans cette gouttière, lorsqu'on met la cloche à volée: le quart de cercle est aussi tenu par la barre de fer E e, fixée d'un bout au haut de ce quart de cercle, & de l'autre bout au haut du mouton.
Le beffroi dans lequel on place les cloches, est une cage de charpente, de figure pyramidale quarrée & tronquée, ou un peu plus étroite à sa partie supérieure qu'à sa base, & placée dans l'intérieur de la tour: on l'a faite plus étroite par en-haut, afin qu'elle ne touchât point les parois de la tour, & qu'elle cédât à l'action de la cloche, quand on l'a mise à volée.
Planches de l'Encyclopédie Diderot et d'Alembert
L'Encyclopédie Diderot et d'Alembert contient 11 volumes de planches avec légende. Toutes les planches sont de même présentation: en haut à droite, le numéro de la planche - en bas au milieu, le titre de la planche; à gauche le nom du dessinateur et à droite celui du graveur. Ces planches peuvent être simples, doubles, triples; une seule est quadruple. Les 8 planches intitulées: Fonte des cloches ont été dessinées par Goussier Del et gravées par Bernard Direxit, elles portent les n° 786 à 793 inclus.
► 786 - Échantillons et Diapasons - ici -
► 787 - Fabrication du Moule - ici -
► 788 - Différents progrès de l'Opération de Mouler - ici -
► 789 - Plan et Éévations du Fourneau - ici -
► 790 - Coupe Transversale et Longitudinale du Fourneau - ici -
► 791 - L'Opération de Couler - ici -
► 792 - Suspension des cloches - ici -
► 793 - Plans du Beffroy - ici -
Fabrication de cloches en acier
Jean Holtzer était originaire de Kligenthal en Alsace. Contrôleur de la Manufacture d’Armes de Mutzig, près de Strasbourg, il fut envoyé à Saint-Étienne vers 1815. Dès son arrivée, il se trouva en contact avec les étireurs installés en bordure de la rivière du Cotatay, au Chambon-Feugerolles, commune de 12 922 hab. (2007) du département de Loire, à environ 10 km de Saint-Étienne. Intéressé par cette industrie dont le cadre et les coutumes lui rappelaient son pays d’origine, il se lia avec la famille Brunon, dont le martinet battait déjà depuis près de deux siècles.
Un autre Holtzer, son cousin Jacob, s’associa avec lui en 1820 pour fonder dans la vallée du Cotatay au Chambon une petite usine pour la fabrication de l’acier corroyé. En 1829, Jacob Holtzer crée les Forges d'Unieux (aciers corroyés), qui innovent en 1857, en fabriquant des cloches en acier moulé qui étaient 40 % moins onéreuses que les cloches en bronze qui rythment le quotidien des clochers de nombreux établissements religieux:
• temple protestant de Klingenthal (Bas-Rhin - 67) 1859;
• église de Matemale (Pyrénées Orientales - 66) 1869;
• église de Rigarda (Pyrénées Orientales - 66) 1869;
• église de Pont-Salomon (Haute Loire - 43) 1872;
• église Saint-Paul à Clermont (Hérault - 34) 1869;
• église de Marcillac-Lanville (Charente - 16);
• église de Cromac (Haute-Vienne - 87) 1869;
• église de Viels-Maisons (Aisne - 02).
Expertise d'une cloche en 1666
16 janvier 1666. - Procès-verbal d'expertise dressé par Nicaise Godet, maître fondeur de cloches demeurant à Reims, désigné comme expert par le présidial de cette ville, à l'effet de visiter la cloche livrée à l'église de Tourcelles-Chaumont (08400), commune du canton de Machault, arrondissement de Vouziers, Ardennes, par Nicolas Lefebvre, fondeur de cloches demeurant à Bussey (Pussey - ?).
"Ce jourduy, vendredi seizième janvier mil six cent soixante six, je moy Nicaise Godet, mestre fondeur, demourant à Reims, certifie à tous qu'il apartiendra que ensuite de l'apointement rendu de messieurs le jeans tenant le siège roialle et présidial de Reims, le onzième de ce mois, entre les paroissiens de l'église de Troussel-Chaumont, demandeurs, et Nicolas Lefebvre, fondeur de cloche, demeurant à Bussey (?) deffendeur et Benite Petitte, aussy fondeur de cloche, yntervenant, par lesquelle je esté nomé d'offisse pour visiter une cloche laquel lesdite partis sont en procès pardevant lesdit sieur les jeans tenant le siège roialle et présidialle de Reims, je me suis transporté audit Troussel le vingtième du présent mois, où estante jé le lendemain vinct ung visité une cloche qui se trouve dans la nefe de ladit église, qui peust peser environ cincq cent livre, laquelle se trouve bien fondue, sinon que les ansses ne sont achevé et sont défectueux et ne sonte en estat de soutenir la cloche, c'est qui est cause que ladite cloche ne peust estre monté au cloché, ni attaché au mouton, ni pouvente ladite cloche servire autre chose que la refondre, ce que je certifie estre véritable et a signé. N. Godet" (ce texte est suivi de la taxe de l'expert, signée Beguin).
Cloche sur le mont Fuji
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