Abbaye Saint-Hilaire

  Histoire du pain

  Le pain et ses dérivés dans les Ordres

  religieux chrétiens du VIe au XIXe siècle

 

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  Le pain dans la religion catholique

 

Le pain est au centre de l'Eucharistie chrétienne; c'est le "pain sacramentel", plus connu aujourd'hui sous le nom d'hostie dans le catholicisme romain. Jésus se définit lui-même comme le "pain de vie" (Jean 6:35).

 

 

À l’origine les religieux, et surtout les ermites pétrissent eux-mêmes leur pain, en priant et en chantant des psaumes. Ils pratiquent déjà la division du travail, "qui fait la pâte, qui la découpe, qui la tourne ou la pèse, chacun ses forces et son habileté". Puis on la mettait dans des bucherons, petits paniers en osier, en forme de calotte hémisphérique. Plus tard, chaque couvent eut son boulanger (pistor) qui était aux ordres du granarius.

 

Dans les débuts de l'abbaye de Clairvaux (Aube [10], utilisée comme prison depuis 1808), saint Bernard et ses compagnons mangeaient un pain fait d’un mélange de trois farines: d’orge, de millet et de vesces. (Il est dit, dans Ez. IV,9: "Prends du blé, de l’orge, des fèves, des lentilles, du millet et de l’épeautre…tu en feras du pain".

 

Au monastère de Romain-Moutier (Suisse - canton de Vaud), on distribuait deux miches à chaque repas, l’un de pain blanc, fait à la farine de froment, dit "panis familiae" et l’autre de pain de ménage, fait d’un mélange de seigle et d’orge, ou d’avoine et d’orge, qui se mangeait avec les mets, le beurre et le fromage, le pain blanc (dit chanoine et qui était parfois salé) servant à tremper la soupe. Dans d’autres couvents, le pain est fait moitié froment, moitié seigle. Il est alors dit de brode.

 

Chez les Clunisiens, à côté du pain ordinaire, on dénombre un pain amélioré, un pain blanc fermenté (?) distribué aux frères qui ont subi la saignée (pour les hôtes, on prévoit du gâteau, guastellus). Chez les Chartreux, on cuit deux espèces de pain, l’une, la meilleure, destinée aux moines de chœur, l’autre, aux convers.

 

À l’abbaye cistercienne d’Orval (Luxembourg), la "grande ausmone" consiste, chaque semaine, en trois cuites de pain de seigle, chaque cuite  étant de cent miches, de 2 livres chacune.

 

Chez les Cisterciens, le pain blanc n’est permis qu’aux malades. Les bien portants reçoivent soit du pain d’orge, d’avoine, de seigle ou de millet, fait in sertio, c’est-à-dire quelque peu tamisé, soit un pain de qualité grossière (âpre, disent les textes), qui était donné à ceux qui avaient mangé leur ration de bon pain avant le repas du soir, à ceux qui voulaient faire pénitence ou aux pauvres.

 

Le snobisme aidant, le pain blanc faisait prime: c’était le pain des couches supérieures (pour honorer les lépreux, une décision de 1385 précise que 36 pains de froment leur seront donnés le jour de tous les saints).

 

Les modes de cuisson sont nombreux. Outre le pain dit de ménage (familiaris) et le pain rond (torta), on connaît le pain par deux fois cuit dans l’eau qui était considéré comme le meilleur et qui était sans doute de la pâte jetée dans une eau en violente ébullition et qui cuisait instantanément, ou peu s’en faut.

 

Le Moyen Âge savait l’art de préparer des flans sans levain qui, passé sous la cendre, devenaient des fouaces (de focus "le foyer"), le pain cuit sous la cendre (subcinericius), et non au four, appelé aussi "temperatus", car la croûte ne devait pas être brûlée, ni la mie trop crue (Littré l’appelle profiterole), le pain biscuit, c’est-à-dire cuit deux fois (dit aussi panis nauticus, notre biscuit de mer) qui était si dur, qu’il fallait le mouiller avec de l’eau, du vin, de l’huile ou…du vinaigre, si on voulait, comme les Pères du désert, en faire "un pain de douleur et de larmes" - (certains ascètes mangent leu pain assaisonné de cendres ou de suie de bois).

 

À côté de ce biscoctus existait le pain sec (siccus) dit aussi second par rapport au pain de première qualité, qui était d’usage pendant certains jeûnes, avec des légumes et des fruits: les uns et les autres crus – le Moyen Àge semble avoir considéré la crudité comme une forme de mortification: question de denture sans doute. Fait exceptionnel, les frères salaient ce pain.

 

Le pain de la journée se présentait sous la forme d’une miche carrée, quadra, marquée d’une croix pour le briser en quatre morceaux destinés à donner la mesure de chaque repas. Certains jours de fête, il était servi chaud (à Saint-Germain-des-Prés), frais toujours. Car il ne semble pas que l’on ait mangé le pain rassis. Un texte du IXe siècle conseille de ne pas préparer trop de pain à l’avance afin que les restes ne se dessèchent pas.

 

Si le pain est rassis il faut l’enlever et le remplacer par de l’autre. Cette pratique est pour le moins curieuse, dans un monde où la disette menaçait sans cesse et où, en principe, fleurissait la mortification. Elle peut s’expliquer, semble-t-il, par la qualité des farines qui faisaient du pain un pavé, et encore une fois par le mauvais état des dentures, dès le jeune âge.

 

Saint Benoît accordait à chaque frère une livre de pain chaque jour. Mais que valait une livre à son époque? Que valut-elle par la suite? Saint Pierre Damien, se basant sur le poids des œufs, affirme qu’elle valait, de son temps, 16 onces. À Cluny, trois setiers de froment (soit, s’il s’agit du setier de Paris, 468 kg de grains) suffiraient à nourrir quotidiennement quelque 300 frères: cela faisait trois livres par jour et par personne.

 

Rations considérables à nos yeux d’hommes pour qui le pain est désormais un aliment d’appoint ou une gourmandise, mais qui ne l’étaient pas pour des hommes dont c’était la nourriture de base.

 

Le problème n’est pas simple. On le complique encore, car, dirent des esprits subtils, aiguisés peut-être par le jeûne, quand on parle de livre, s’agit-il du poids du pain avant ou après cuisson. Cela peut faire 30 % de différence.

 

Le père Mabillon, l’illustre mauriste (nom donné à la congrégation de Saint-Vanne, qui elle-même avait repris la pratique de la congrégation cassinaise; définie en 1645 et approuvée par le pape Urbain VIII en 1628), conclut que la livre de pain devait peser 18 onces avant d’être cuite, 14 ou 16 une fois cuite. "Quatorze si c’était une livre commune ou légère et seize à bon poids…". On disait: "La livre bénédictine a bon pidos", et l’on souriait.

 

Les poids et les mesures qui servaient à fixer les rations étaient d’une telle importance que lors de la destruction, en Italie, de l'abbaye du Mont-Cassin (577-580) par les Barbares, les moines les emportèrent, avec, reconnaissons-le, un exemplaire de la règle, mais en oubliant le corps du patriarche qui fut abandonné sur les lieux…

 

Aujourd’hui encore, au réfectoire, les moines recueillent les miettes de pains. Dans certains couvents, on en faisait, chaque samedi, une espèce de pudding liquide, aux œufs, qui se mangeait à la cuillère.

 

Le pain pouvait être fait au lait. On appelait cette préparation mortairols. On mangeait aussi des rôties au fromage (notre croque-monsieur) ou du pain perdu. Ou encore on faisait frire une poignée de pâte à pain appelée tourte à la poêle, dites aussi rissoles, friolettes ou friliaux selon les régions. Ces deux types de préparation étaient au sens propre, des gressins (de gresa "graisse", d’où les fameux grissini piémontais).

 

 

 

  

  Pain de mai

 

Au Moyen Âge, presque chaque année, la disette menace: les moissons ne sont pas encore mûres et le grain manque dans les greniers. Afin de permettre le passage de cette période difficile, les monastères assuraient alors un véritable service public, en offrant aux pauvres une distribution de soupe et de grain, c'est l'œuvre du "pain de mai".

 

 

 

  

  Pain sacramentel

 

  

  Les hosties (pain à chanter, pain des anges)

 

La fabrication des hosties est évidemment un événement important dans la vie des religieux. Elle se fait dans une salle spéciale. Les grains sont soigneusement sélectionnés. Le crible est préalablement lavé. La farine est lavée avec l’eau claire et nette (?). Le pétrissage de la pâte est confié à deux prêtres et à deux diacres vêtus d’aubes immaculées. Le frère qui tient les moules de cuisson a les mains gantées, etc.

moule à hosties

Les patelles des gaufriers ont le plus souvent jusqu'à 6 pouces de largeur sur 8 de longueur. On les découpe au moyen d'un compas dont une extrémité est munie d'une lame destinée à faire une incision circulaire.

 

Quand l'hostie est faite, on la place sur une table bien unie, et on place sur chacune une plaque de métal doublée en peau sur la surface qui repose sur l'hostie. On pose ensuite la pointe du compas au centre de la plaque métallique, et l'on fait décrire un cercle à la branche munie de la lame, afin de découper entièrement l'hostie. On opère de même pour les autres.

 

Les hosties pouvaient être découpées avec un emporte-pièce, comme ce modèle utilisé pour la découpe des hosties placées dans la lunule d'un ostensoir.

emporte-piece à hostie

 

 

  

  Les dérivés conventuels

 

  

  Les pâtisseries

 

À Noël, on préparait des petits gâteaux spéciaux, appelés "panis natalitus", dits quignon en français, cuignot en provençal, du latin cuneolus (petit coin). Le pain sans levain servait de tranchoir. On appelait pain mollet celui qui était fait avec de l’écume de bière.

 

Si l’immense majorité des règles religieuses interdit la viande, il n’en est pas qui limite l’usage de la farine et du sucre. Quoi de plus nature, dès lors, que de céder au désir de varier autant que faire se peut les combinaisons de ces deux ingrédients, à quoi viendront bientôt s’ajouter les épices.

 

Il n’est pas étonnant, dès lors, qu’une certaine pâtisserie "bourgeoise" ait fleuri dans les couvents. Plus spécialement aux jours de fête, bien sûr, mais aussi, chose curieuse, pendant le Carême, afin de rendre moins aiguës les exigences du jeûne et permettre de supporter la longueur des offices en cette période de l’année.

 

Les coutumiers ont conservé le nom de ces pâtisseries. Ce sont les crêpes, les gaufres (refelae ou cratones), les tartes ou tourtes (tarta, tortula), les flans (flado), les bracelli, sans oublier les pains d’épices, miellés (mellati) ou poivré (piperati), qui apparaissent à l’époque du grand engouement médiéval pour la cannelle et le gingembre.

 

Dans certains endroits, l’usage voulait que les frères offrent, à la porte de l’église, outre le vin d’honneur, quelque restaurant aux fidèles qui avaient assisté à une messe: c’était, au XVe siècle des pâtés aux épices ou des petits gâteaux ronds, secs et croquants qui, précisément, avaient pour nom craquelins.

 

 

 

  

  Les friandises

 

Il est probable que les frères ont connu le masse-pain: on parle, en effet, d’une friandise appelée tartara, qui était une pâte faite d’amandes et de sucre.

 

Dans les commanderies d’Orient, les rudes templiers qui disposaient en abondance du sucre des "cannes à miel" savouraient les confitures de Damas et les dragées au gingembre et au myrobolan (mot qui désignait, à l’origine, diverses espèces de fruits confits – le mot mirabelle a la même origine).

 

Les "mendiants" qui ne datent d’ailleurs que du début du XVIIe siècle, désignent un dessert composé de figues, de noisettes, d’amandes et de raisins, par allusions à la couleur de la robe des quatre grands ordres mendiants du Moyen Âge: les Augustins, les Carmes, les Dominicains et les Franciscains.

 

 

 

  

  Autres documents sur le pain

 

  Brève histoire du pain au fil des siècles - ici -

  Four à pain troglodytique du XIIIe siècle de l'abbaye Saint-Hilaire - ici -

  Le bacille mésentérique - ici -

  Le pain en France de 1940 à mars 1950 - ici -

  Les céréales panifiables - ici -

  Pains du delta égyptien, pains d'ermites - ici -

  Restaurations de fours à pain - ici -

 

 

Armoiries du Comtat Venaissin Coat of arms of the Carmelite order

 

 

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