Montre solaire des Pyrénées

 

 

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Les habitants des Pyrénées déterminent l'heure au soleil en faisant usage d'un instrument tout autre que notre cadran solaire. Il en diffère absolument à quelque point de vue qu'on l'étudie. Le principe de la construction, la forme, le mode de lecture des heures, ne sont plus les mêmes.

Le cadran des Pyrénées - Fig. 1, 2, 3

Entre les deux instruments, la seule analogie et celle du but: "Déterminer l'heure par l'ombre d'une aiguille ou d'un style placé au soleil." Au point de vue pratique, ce qui les distingue, c'est que celui dont on se sert dans les Pyrénées est essentiellement portatif; l'autre ne le devient que par des dispositions nouvelles.

 

Le cadran des Pyrénées est une véritable montre: nous l'appellerons montre solaire Les pâtres en font grand usage. Les habitants de nos campagnes trouveraient, sans nul doute, avantage à l'employer lorsque les travaux des champs les tiennent tout le jour éloignés de la cloche qui sonne les heures au village.

 

La montre solaire se compose d'une colonne verticale ab et d'un chapiteau bc (fig. 1), dont l'ensemble représente exactement une petite quille d'un jeu d'enfant. La colonne sert de cadran: c'est à sa surface que sont tracées les lignes indicatrices des heures et que se projette l'ombre d'une aiguille ou style fixé horizontalement à la base du chapiteau.

Fig. 1

Cette aiguille peut se placer en regard de chaque partie du contour de la colonne: à cet effet, le chapiteau est mobile; il peut pivoter sur lui-même pendant que la colonne reste fixe. Une cheville ou tenon dont il se trouve muni s'engage dans la cavité correspondante de la colonne et permet ce mouvement (fig. 2). L'assemblage des deux pièces se fait à frottement dur.

Fig. 2

Si la description précédente est bien comprise, il sera aisé de concevoir comment sont tracées les lignes qui sillonnent la surface de l'instrument, et comment elles servent à donner l'heure chaque jour.

 

Les premières lignes que l'on trace sont des lignes droites également espacées, qui descendent le long de la colonne. Ces lignes sont assez nombreuses; nous dirons plus tard quel est leur nombre exact; pour le moment, il nous suffira de nous occuper de l'une d'elles.

 

Soit donc une de ces lignes: imposons-lui comme nom la date du jour où nous opérons. C'est, par exemple, le 1er août; écrivons-le à côté de cette ligne, puis tournons le chapiteau jusqu'à ce que le pied du style vienne rencontrer la ligne ainsi marquée; l'instrument sera disposé pour l'observation.

 

Si dès lors on le porte au soleil, en ayant soin que la colonne soit verticale, et que l'ombre du style tombe toujours sur la ligne 1er août et ne dévie ni à droite ni à gauche, on pourra constater les résultats suivants: le matin, l'ombre sera très courte, elle ira en grandissant jusqu'à midi et décroîtra ensuite jusqu'au coucher du soleil.

 

Ce sont des faits que tout le monde conçoit et peut d'ailleurs vérifier. Une tige sur laquelle on plante une aiguille suffit pour cette vérification. Seulement, il ne faut pas oublier de tourner le système de sorte que l'aiguille soit toujours vis-à-vis du soleil, il faut que son ombre descende constamment le long de la verticale tracée sur la colonne.

 

Ceci établi, imaginons que l'on ne se contente pas d'observer l'ombre, mais qu'on en fixe la longueur: marquons l'extrémité de cette ombre à chacune des heures du jour, nous aurons ainsi une série de points qui, les années suivantes, donneront l'heure, si, à pareil jour (le 1er août), nous répétons la même observation.

 

Les points que nous aurons marqués en consultant une horloge la première fois, nous serviront chaque année à trouver l'heure sans aucun autre appareil que les cylindres et son style.

 

L'opération que nous venons d'exécuter peut être recommencée tous les jours de l'année, en fixant chaque fois le style devant une nouvelle verticale qui portera la date comme son nom. On aura dès lors noté toutes les indications nécessaires pour trouver l'heure à un jour quelconque.

 

Si l'on veut déterminer à un instant de la journée, le 7 juillet par exemple, on placera le pied de l'aiguille sur la ligne correspondante au 7 juillet: on tournera l'instrument au soleil, de façon que l'ombre soit portée sur cette même ligne, et le point où s'arrêtera l'extrémité de l'ombre donnera l'heure.

 

L'instrument, tel que nous venons de le décrire, serait chargé, d'indications trop nombreuses; ces indications se confondraient sur la surface de la colonne, à moins de lui donner un très grand développement. Heureusement il a été possible d'opérer des simplifications sans nuire à l'exactitude des résultats.

 

Tout d'abord, au lieu d'écrire à côté de chacun des points l'heure qu'il est destiné à rappeler, on a réuni par une ligne tous les points indiquant la même heure. Tous ceux qui correspondent à midi se trouvent les plus bas; leur ensemble forme une ligne qui contourne le cylindre; on trace cette ligne: c'est la ligne de midi. On la marque du chiffre XII.

 

On trace et l'on marque d'une façon semblable la ligne de 1 heure, celle de 2 heures, etc.

 

On a remarqué ensuite que les lignes qui correspondent à deux heures également éloignées de midi, la ligne de 3 heures et celle de 9 heures, par exemple, se confondent à très peu près; elles se confondent même absolument à certaines époques de l'année.

 

De là une nouvelle simplification. On peut remplacer ces deux lignes par une seule qui passe entre elles. Cette simplification que l'on opère entraîne une inexactitude, mais d'un petit nombre de minutes seulement; il n'y a pas lieu de s'en préoccuper.

 

Le travail de simplification auquel nous nous sommes livrés n'a pas encore porté sur les lignes verticales; nous allons en réduire le nombre.

 

La première réduction résulte de cette observation, que les deux jours d'une année sont à peu près identiques deux à deux. Les jours identiques sont ceux qui se trouvent à égale distance du 21 juin, le jour le plus long de l'année.

 

Chacune des indications marquées sur une de nos lignes verticales servira donc pour deux jours différents; nous pourrons épargner le tracé de la moitié du cadran; il faudra seulement marquer avec grand soin les deux époques auxquelles une même ligne doit correspondre.

 

La réduction que nous venons d'opérer peut même être poussée plus loin, si l'on fait cette remarque que pour deux, trois, quatre jours consécutifs, l'ombre ne varie pas sensiblement de longueur, ce qui permet d'affecter chaque verticale au service de plusieurs jours.

 

Dans la montre solaire des Pyrénées, on emploie une même ligne verticale pour dix jours consécutifs, ce qui réduit à dix-neuf et donne en définitive le tracé indiqué sur la figure 4, qui nous représente la surface du cylindre redressée, aplanie et fixée sur le plan du papier.

Fig. 4

La figure que nous représentons n'offre pas une indication approchée des lignes qui doivent sillonner le cylindre; elle est la représentation exacte de celles qui devraient être tracées si l'on voulait construire la montre solaire de Paris.

 

Si l'on prend fidèlement cette figure et qu'on l'applique sur la surface latérale d'une petite colonne, on pourra connaître l'heure en disposant, comme nous l'avons indiqué, un style horizontal de 2 centimètres et demi de longueur. Nous avons pris soin de l'indiquer sur la figure.

 

Pour l'usage, la saillie du style rendrait le transport très gênant. On rend l'instrument parfaitement portatif en employant comme style une lame métallique qui s'assemble au chapiteau comme une lame de couteau à son manche; une fente convenable est ménagée dans ce but (fig. 3).

Fig. 3

Grâce à cette disposition, le style peut à volonté être renfermé dans la colonne: l'instrument est devenu un instrument de poche.

 

Il est enfin un autre détail important que nous devons signaler. Pour assurer la verticalité de la colonne pendant l'observation, on a soin de fixer un petit anneau au sommet du chapiteau; c'est par un fil attaché à cet anneau que l'on tient l'appareil en expérience. En roulant le fil entre les doigts, il est facile de diriger le style vers le soleil.

Montre de berger et son étui

Ce type de cadran se vendait cinq francs en 1849 à Paris.

 

 

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Après l'étude que nous avons faite, il est impossible de ne pas remarquer avec quelle simplicité de moyens l'inventeur de la montre solaire est arrivé à son but.

 

Tandis que les astronomes, mettant à profit les travaux des générations qui les ont précédés, ont combiné des éléments nombreux pour tracer les cadrans qui marquent le temps au moyen du soleil; tandis qu'usant avec largesse des richesses que l'industrie leur fournissait, ils ont compliqué mille et mille fois les procédés qui leur permettaient le dessin des lignes indicatrices des heures; tandis qu'aujourd'hui ils réclament, pour exécuter leurs opérations, équerres, niveaux, rapporteurs, cercles gradués, instruments de toute sorte.

 

L'inventeur de la montre solaire, trop pauvre peut-être et de science et d'argent, met en application un des faits les plus vulgaires, et, sans autres richesses qu'une longue patience et une imagination féconde, il arrive à marquer d'un trait sur l'heure du jour, il crée presque avec rien un instrument que les moins heureux seront assez riches pour posséder, et que les plus ignorants seront assez habiles pour construire.

 

Plus nous y réfléchissons, plus notre conviction s'établit que la montre solaire des Pyrénées n'est pas l'œuvre d'un savant: c'est une œuvre originale qui ne repose sur aucune donnée scientifique qui ait précédé. Peut-être est-ce l'œuvre d'un pâtre industrieux ?

 

Quoi qu'il en soit de l'inventeur et de l'état de ses connaissances, il ne faut pas se méprendre: si la science n'a pas présidé à l'invention, elle a, malgré tout, une part directe à revendiquer; de plus, elle peut fournir ses moyens pour l'amélioration de l'œuvre.

 

La part que la science revendique, c'est l'ensemble des données sur lesquelles repose la division du temps. Ce n'est que par le travail des astronomes qu'on est arrivé à composer tous les jours d'intervalles de temps identiques, quoique les jours mesurés par le soleil ne soient pas égaux.

 

Il a fallu bien des observations, bien des calculs, pour former cette année civile qui, par des irrégularités méthodiques (années bissextiles), amène les mêmes époques au moment où le soleil retrouve la même place dans le ciel.

 

L'horloge et le calendrier, l'un, tableau permanent de la marche du soleil pendant le cours de l'année, l'autre indicateur mobile de ses mouvements dans l'intervalle de chaque jour, sont donc en quelque sorte un résumé pratique des observations faites sur le soleil.

 

En les consultant, nous avons consulté, pour ainsi dire, les registres des astronomes: nous avons fait œuvre de leurs découvertes.

 

Cette intervention de la science dans notre tracé n'est jusqu'ici très lointaine, mais elle peut devenir plus directe. Aujourd'hui, en effet, les connaissances sur le mouvement des astres sont arrivées à un tel état que l'on peut annoncer sans erreur la position du soleil sur la voûte céleste, à quelque époque que ce soit.

 

Au moment où j'écris ces mots, par exemple, des nuages épais couvrent le ciel et laissent tamiser à peine quelque lumière; je puis cependant indiquer avec certitude le point où le soleil se trouve, je puis diriger une lunette et être sûr de la pointer vers cet astre, aussi sûr que si l'astre était découvert.

 

Si une éclaircie subite le fait apparaître, il ne manquera pas de se trouver là où j'ai visé. Il y a mieux: il est possible, il est même facile, de fixer d'avance la lunette dans la direction où se trouvera le soleil dans quelques heures, dans quelques mois, ou même au bout d'un nombre quelconque d'années.

 

On peut dès aujourd'hui pointer une lunette là où le soleil doit se trouver, à sept heures du matin, le 1er juillet de l'an 2000, et, pourvu que rien ne la dérange, l'œil d'un observateur pourra constater l'exactitude de la prédiction.

 

Grâce aux tables du soleil dressées par les astronomes, nous pourrons donc, dans toute opération qui exige la connaissance de la position de cet astre, nous dispenser de consulter le soleil lui-même: nous consulterons les tables. C'est ce que nous allons faire pour construire la montre solaire.

 

Nous n'aurons pas à patienter six mois pour réaliser la construction complète, comme il était nécessaire dans le mode que nous avons indiqué précédemment: en quelques heures, l'instrument sera terminé.

 

Pour nous faire bien comprendre, citons un exemple. Nous trouvons dans les tables qu'à Paris, le 20 juin, le soleil est élevé au-dessus de l'horizon de 64° 37' à l'heure de midi. Cela signifie que si nous traçons une ligne horizontale AC, dirigée vers le point du ciel où le soleil se trouve à midi, les rayons frapperont cette ligne suivant des lignes SI, faisant avec AC un angle de 64°37'.

64°37'

Par conséquent, si AC est la longueur du style de notre montre solaire, et si la perpendiculaire AB représente la ligne du 20 juin, l'ombre de AC sur AB se déterminera en tirant SCM, qui fait avec AC un angle de 64°37'.

 

Le point M, où SZCM rencontre AB, est le point où l'extrémité de l'ombre touchera AB: c'est le point que nous marquerons midi. La même construction est facile à reporter sur toutes les lignes des jours et pour toutes les heures.

 

Utilisée pour dessiner le cadran dont nous avons donné la figure; c'est elle que l'on fera bien d'employer s'il s'agit de tracer un cadran pour une localité située plus près du nord ou du sud que Paris; car, ne l'oublions pas, le cadran que nous avons donné ne peut servir que pour les pays situés sur la même latitude que Paris. L'employer dans d'autres contrées conduirait à de graves erreurs.

 

Magasin Pittoresque

Tome XXV – Janvier 1857

Montre solaire au musée Basque 1

   ► Exemplaire du musée Basque de Bayonne - ici -

Montre solaire au musée Basque

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