En Vaucluse,
l'abbaye de Saint-Ruf
Avignon - 84000
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Monographie
L'abbaye de Saint-Ruf est située sur la route d'Arles, ancienne voie romaine, dans le jardin public de l'Abbaye de Saint-Ruf, sis à l'angle de l'avenue du Moulin de Notre-Dame et du boulevard Roux-Renard, dans le département de Vaucluse, sur le territoire de la commune d'Avignon (84000).
Historique
Selon les chroniqueurs, saint Ruf naquit à Cyrène en Libye, de Simon dit le Cyrénéen, le même qui, sur le témoignage des apôtres évangélistes, aida le Christ à porter sa croix. Simon ayant été admis avec ses deux fils, Ruf et Alexandre, au nombre des 72 disciples de Jésus, Ruf devint évêque de Thèbes.
Après la mort du Christ et la vocation de saint Paul à l'apostolat, Ruf se joignit de cœur et de corps à ce grand docteur des Gentils, le suivit à Rome et en Espagne, où cet apôtre l'établit chef de la première communauté chrétienne de Tortose.
Cependant Paulus Sergius ayant été promu à l'évêché de Narbonne par l'apôtre saint Paul, il se rendit en cette ville avec Ruf, évêque de Tortose. Valadier, s'appuyant sur les actes des archives de l'Église de Narbonne, raconte que ces deux saints venant en France, firent naufrage, et que, miraculeusement préservés de l'impétuosité des flots et retirés du fond de la mer, ils arrivèrent à Narbonne, où Paulus Sergius ceignit la mitre, et saint Ruf vint à Avignon établir le siège épiscopal et jeter les fondements de la foi sur les débris du paganisme.
Les légendaires disent qu'il fit bâtir sur le Rocher une chapelle (là où quelques siècles plus tard la tradition raconte que Charlemagne fit élever la basilique de Notre-Dame des Doms).
Ce saint prélat fit aussi construire hors les murs de la Ville d'Avignon, une abbatiola Sancti Ruffi, sotre d'ermitage suburbain, où, retiré avec ses disciples, il leur prescrivit une règle de vie très austère. Il mourut dans ce monastère, après vingt ans d'épiscopat, vers l'an 90 ap. J.-C., le 14 novembre (jour de la célébration de sa fête à Avignon).
Au fil des siècles, cet ermitage sera transformé en couvent où l'on vénérait les reliques de saint Just, évêque de Lyon, qui avait passé la fin de sa vie dans un ermitage d'Égypte. La légende rattachait saint Ruf, prêtre et confesseur de l'église d'Avignon, à l'apostolicité des Gaules, l'identifiant, comme saint Trophime d'Arles, à un disciple de saint Paul, fils de Simon le Cyrénéen.
C'est sur ce site que l'abbaye de Saint-Ruf sera fondée le 1er janvier 1039, par concession de l'évêque d'Avignon à quatre chanoines de la cathédrale, qui y formèrent une "communauté canoniale" selon la règle de saint Augustin.
L'église s'élève à l'emplacement d'une nécropole paléochrétienne suburbaine qui remonte au début du Ve siècle, ainsi que l'attestent des fragments de sarcophages en marbre de l'école d'Arles, dont l'un représente la scène très rare de l'histoire d'Ananias et Zaphira, frappés de mort pour avoir voulu frustrer la communauté chrétienne du prix de la vente d'une terre, et des inscriptions, d'époque mérovingienne.
Les sondages faits en 1952 par le chanoine Joseph Sautel (1880 † 1955 infos) méritent d'être poursuivis à une plus grande échelle en vue de retrouver le site paléochrétien, une partie des murs de la construction romane ayant été arrachés à un mètre sous terre en 1763.
On peut donc supposer que la communauté chrétienne dispersée aux temps d'insécurité des grandes invasions se reforma au XIe siècle, à une époque qui correspond à un mouvement d'expansion rurale, marqué dans toute la Gaule par la création de communautés canoniales.
L'abbaye rufienne était en plein essor à la fin du XIe siècle: deux frères du prieuré de Valence, que Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, qualifie de grands et saints personnages, furent parmi les premiers compagnons de saint Bruno, lors de la fondation de la Chartreuse.
Le chef d'ordre, en effet, avait une mouvance très étendue: il comptait plus de 500 prieurés; dont Albert-Ernest Carrier de Belleuse (infos) a tenté de dresser l'inventaire.
À peine reconstruite, l'abbaye fut ruinée par les troubles albigeois et le chef d'ordre transféré en 1158 à Valence, où existait déjà le prieuré de Saint-Jacques (sans doute le Mineur), qui sera doté d'un hôpital de la Madeleine.
Le nouveau chef d'ordre fut construit dans l'île de l'Épervières sur le territoire actuel de la commune de Valence dans la Drôme, aux frais du pape Adrien IV (vers 1100 † 1159 infos), et détruit ainsi que le prieuré Saint-Jacques par les Huguenots (1562-1567); quelques restes de celui-ci sont encore apparents dans le temple protestant de la rue Saint-James à Avignon.
On déplorera d'autant plus la disparition successive des deux chefs d'ordre, dont seuls sont conservés quelques chapiteaux aux musées d'Avignon, de Valence et au Fogg Art Museum de Cambridge dans l'État du Massachusetts aux États-Unis (document ci-dessous), que l'activité artistique des Rufiens paraît avoir été remarquable au XIIe siècle.
En 1156, le pape Adrien IV avait invité les chanoines de la cathédrale de Pise à faire bon accueil aux chanoines de Saint-Ruf, qui devaient travailler aux carrières de marbre de Carrare pour y sculpter les colonnes et les chapiteaux destinés au chef d'ordre - sans doute celui de Valence.
Ils avaient reçu mission de construire des églises en Palestine après la prise de Tripoli et de Jérusalem par les Croisés (1109), et la garde du Saint-Sépulcre* avait été confiée à leur ordre.
* Le Saint-Sépulcre est, selon la tradition chrétienne, le tombeau du Christ, c'est-à-dire la grotte (maintenant englobée dans l'église du Saint-Sépulcre, à Jérusalem) où le corps de Jésus de Nazareth fut déposé au soir de sa mort sur la Croix.
L'archevêque de Patras avait fait appel à eux pour réformer le chapitre de sa métropole en 1211; Albert-Ernest Carrier de Belleuse (infos) propose de leur attribuer la porte romane de l'église de Patras, si différente de l'architecture gothique des Croisés et très voisine de celle de Saint-Ruf d'Avignon.
Dans le XIVe siècle, deux conciles furent tenus dans l'église de Saint-Ruf; le premier, le 18 juin 1326, présidé par Gasbert de Laval, archevêque d'Arles, au nom du pape Jean XXII (1244 † 1334), auquel assistèrent les archevêques d'Aix et d'Embrun et leurs suffragants. On trouve une copie des ordonnances qu'ils décrétèrent dans les manuscrits de la bibliothèque de Carpentras.
Le second fut célébré le 23 avril 1337, par le même Gasbert, Bertrand de Deux, archevêque d'Embrun, et Armand de Narcessio, archevêque d'Aix. C'est le seul concile d'Avignon dont Nouguier fait connaître les statuts. On y défendit aux prêtres l'usage de la viande le samedi, excepté la fête de Noël, si elle tombait ce jour-là.
On prescrivit aux clercs la manière de se vêtir, et il leur fut ordonné de renoncer au commerce et à l'usage des armes, et de se faire raser la barbe. On recommanda de ne pas agir avec trop de rigueur à l'égard des excommuniés, même les plus obstinés.
Il fut imposé aux juifs l'obligation de porter sur leur personne un signe qui les distinguât des chrétiens; ce canon, qui est le 25e et dernier, est conçu en ces termes: item slatuimus, quod Judœi masculi à tredecim annis suprà deferant extra domos , in superiore veste, in pectorc , signum rota», cujus rotunditas in quantitate sit trium vel quatuor digitorum , nisi sint in magisterioconstitutif mulieres autem judeœ à duodecim annis supra cornalia deferant extra domos.
Le même statut défend expressément aux chrétiens de réclamer les soins d'aucun médecin ou chirurgien juifs, et aux Israélites de se servir des chrétiens pour le même objet.
Description
Il serait intéressant de rechercher si l'expansion des Rufiens, qui s'étendait en Provence, en Dauphiné, en Languedoc, mais aussi en Italie du Nord, en Espagne (où l'ordre comptait une centaine de prieurés) et en terre sainte, ne correspond pas à une activité artistique, comparable à celle de Cluny, qui, dans le Midi, était centrée à Moissac et dont le rôle paraît avoir été exagéré.
Certaines similitudes de style entre les chapiteaux de Saint-Ruf, de l'Épervières, de Valence, de Saint-Barnard de Romans, et ceux de Nazareth et de Damas, dont le terminus ante quem est l'occupation musulmane de 1187, sont à considérer, non moins que la transmission du culte de saint Jacques (le Mineur?), sur la route de Saint-Jacques-de-Compostelle, pour lequel les Rufiens avaient une dévotion particulière, et de celui de la Madeleine d'Éphèse, vénérée dans la grotte des Sept-Dormants, qui apparaît dès 1068 en Provence dans l'une des quatre églises que les Rufiens possédaient à Eyguières, bien avant la reconnaissance liturgique dans les églises d'Aix et d'Avignon et à la Sainte-Baume.
Le chef d'ordre, tel que nous le voyons, remonte dans son état actuel à la fin du XIIe siècle, c'est-à-dire à la reconstruction après la ruine des guerres albigeoises, certaines parties pouvant remonter au milieu de ce siècle.
L'église, mutilée de sa nef, est réduite au chevet, comprenant l'abside centrale et les deux croisillons du transept. En forme de croix latine, la nef comportait cinq travées, voûtées en berceau, épaulées du côté du nord par des arcs-boutants.
Endommagée sous les guerres de religion, elle avait été restaurée en 1628 (notaire Vincenti); mais l'état ruineux de la nef, dont la restauration avait été envisagée en 1762, amena l'abbé de Saint-Ruf l'année suivante à ordonner la démolition de la nef et la construction d'une nouvelle façade au droit du transept, comportant le crénelage.
Le prix fait de cette démolition, qui portait également sur les bâtiments conventuels au midi de l'église, prévoyait une destruction totale, avec enlèvement des fondements, à quatre pans, soit un mètre sous terre "pour que le terrain soit en état d'être cultivé et de produire" (notaire Lapeyre).
Vendue comme bien national le 14 septembre 1796, elle fut l'objet de lotissements en 1841 (notaire Martin). Des dessins de la première moitié du XVIIe siècle, conservés dans le recueil du marquis de Laincel, sont les seuls documents qui nous restent de l'église avant la démolition de 1763.
Elle ne possède plus aujourd'hui que le chevet et le transept, ouverts à tous les vents, le mur de façade qui devait être construit en 1763 n'ayant laissé aucune trace.
L'abside, semi-circulaire à l'intérieur et pentagonale à l'extérieur, est entourée d'un banc presbytéral. Au lieu d'être décorée d'une arcature aveugle comme les églises et chapelles provençales, elle est ajourée d'un triplet richement encadré de colonnettes à chapiteaux corinthiens, dont le fût est enrichi d'imbrications losangées et de cannelures spiralées.
À l'extérieur, une corniche qui épouse la forme polygonale du chevet se retourne en archivolte au-dessus des baies. Cette particularité architecturale, que l'on retrouve au chevet des églises abbatiales de Montmajour et de Saint-Eusèbe d'Apt, à Simiane, etc., paraît être une réminiscence de l'art paléochrétien de Syrie (Saint-Siméon-le-Stylite), dont les chanoines rufiens auraient apporté le modèle d'outre-mer.
Les archivoltes sont décorées sur les deux faces de godrons, de cannelures en gouttière, de dents d'engrenage, d'imbrications.
Les impostes et la corniche, qui soutiennent le cul-de-four de l'abside, sont rehaussées de larges feuilles d'eau, les premières à nervures de feuillage, les secondes épannelées. L'arc triomphal retombe sur des pilastres cannelés à chapiteaux de feuillage épannelé de style corinthien avec masque humain en guise de rosace.
Du côté des croisillons du transept, le piédroit supporte une colonnette polygonale, selon la coutume provençale. Les chapiteaux corinthiens subsistants de la nef sont des copies de l'antique, de très beau style, qui rappelle ceux des églises de la vallée du Rhône.
Le clocher, accolé au côté ouest du croisillon sud, est une massive tour carrée à trois étages, dont le dernier, ajouré par une baie géminée sur les quatre faces, est coiffé d'une pyramide à quatre pans. Sur l'un des arcs de soutien du clocher, face ouest, quelques marques de tâcheron de la seconde moitié du XIIe siècle, caractéristiques des églises de la région (Montmajour, Saint-Honorat des Aliscamps) (A R P G en faucille).
Les bâtiments conventuels, accolés au sud de l'église, comportaient une aile rebâtie au XIVe siècle, avec croisées à meneau. Il reste quelques vestiges des murs de la salle capitulaire et de l'enceinte orientale percée de deux lucarnes-meurtrières à ébrasement intérieur.
Au cloître, il faut attribuer quelques chapiteaux conservés au Musée Calvet et deux très beaux chapiteaux de marbre, représentant l'histoire de Samson, conservés au Fogg Art Museum, de l'Université d'Harvard. Leur style les apparente à celui du Jugement de Salomon, seul témoin sculptural de l'abbaye rufienne de l'Épervière, à Valence.
► Blog "Avignon états des lieux" avec de belles photos de l'abbaye - ici -
Propositions de lectures
• Les moines bâtisseurs - Anselme Dimier - Fayard.
• Atlas cistercien - Frédéric Van der Meer - Séquoia.
• La collection Zodiaque, en particulier, l'Art cistercien, l'Esprit de Cîteaux, Saint Bernard, l'Art cistercien - Georges Duby - A.M.G.
• Le temps des cathédrales - Georges Duby - Gallimard.
• La plus grande aventure du monde - François Cali - Arthaud.
• L'abécédaire des cisterciens - Flammarion.
• Formes et forces, l'art et l'âme - René Huyghe - Flammarion.
• La poétique de l'espace - Gaston Bachelard - Quadrige P.U.F.
• Apprendre à voir l'architecture - Bruno Zevi - Les éditions de minuit.
• Eupalinos ou l'architecte - Paul Valéry - N.R.F.
• La dimension cachée - Edward T. Hall - Le Point ( Seuil).
• Les bâtisseurs de cathédrales - Jean Gimpel - Le temps qui court (Seuil).
• Techniques de l'architecture ancienne - YM. Froidevaux - Pierre Mardaga éditeur.
• Études d'esthétique médiévale - Edgard de Bruyne - Albin Michel.
• Analyse théologique de la Règle de saint Benoît - M. D. Philippe O.P. - La Colombe.
• Le Moyen Âge roman - Henri Focillon - Le livre de poche.
• Les Pères de l'Église - Patrick Chauvet - Mame.
Valorisation du patrimoine
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Elle réalise ses projets en articulant le travail de connaissance sur le terrain et dans l'histoire, menés au long de l'année avec ses adhérents, et le travail de restauration, effectué principalement l'été, par des chantiers de jeunes bénévoles.
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